Le vin dans le sang

Jeanne, Élise et Pierre-Antoine semblent faits du même bois, un bois de vigne élevé à flanc de coteaux. Frères et soeurs sont à Malleval associés au caveau Gaillard dont les premières cuvées remontent à l'an 1981. Pierre, le père, acquiert à l’époque quelques parcelles au Clos de Cuminaille à Chavanay. Ce terrien de coeur n’a pas d’attaches en campagne. Ses parents, cheminots, l’ont d’abord poussé vers le supérieur. Il a fait quelques études au lycée viticole de Beaune et suivi un diplôme national d’oenologie à Montpellier avant de s’établir en vallée du Rhône.

La demeure familiale, route de Bazin, est choisie pour ses caves. C’est ici, au sous-sol, que seront mis en cuve les raisins de l’année. Les saisons passent, les plantations gagnent en surface. Au Saint-Joseph et Viognier s’ajoutent Côte-Rotie et Condrieu.

De ses parcelles, le vigneron a vue sur le Rhône. Au bout, la mer, dont il chérit le souvenir (de son passage dans le Sud). Alors, quand se présente une opportunité d'achat à Banyuls-sur-Mer, il signe. Le sol est de schiste (une caractéristique que partagent Banyuls et Côte-Rôtie), les pentes dégringolent dans la Grande bleue ; rien que de très familier.

Années 2000. Il s’agrandit encore ; du côté de Faugères cette fois avec deux associés. Les trois hommes s’entichent d’un terrain… à flanc de colline (on ne se refait pas), multiplient les aller-retours sur site et baptisent leur cuvée Transhumance. Leur collaboration prend fin (non leur amitié) au bénéfice de la famille Gaillard comme la relève frappe à la porte.

Trois enfants ont grandi avec le domaine. « Nous aurions pu faire n’importe quel métier, confie l’aînée, Jeanne. Mais le virus nous a pris tous les trois ». Lorsqu’elle s’installe en 2008, la jeune femme apporte 10 hectares de vignes en vin de pays issus de la Drôme. Sa soeur Élise, fait ses bagages pour le Sud ; on lui confie l’administration de Madeloc (le domaine de Banyuls). Leur frère entre comme responsable de la partie viticulture. Entité forte de 90 hectares et 25 salariés.

Une cinquantaine de cuvées constituent aujourd'hui la gamme, accessible à toutes les bourses. « Chez nous, les vins de pays (7 €) côtoient les grands crus (140 €). Nous apportons le même soin à chacun ». Un plaisir contagieux. Adhérents au label « Vignobles & découvertes » , les Gaillard partagent amour et connaissance du terroir. Un événement les mobilise tous les deuxièmes week-ends de juin. Dégustations, repas, visite, balades, spectacle font le sel des « Gaillardises ». La famille se présente alors au grand complet : l’occasion unique de goûter chaque vin mis en bouteille et de côtoyer deux générations de vignerons.

La famille Gaillard réalise 35 % de son chiffre d’affaires à l’export. 20 % sont apportés par une clientèle de particuliersLe reste est constitué de cavistes et restaurateurs.